Alzen n’était pas un lieu sûr ces temps-ci. Même si la guerre était la même partout, il régnait sur la cité volante une ambiance terriblement oppressante. Et c’était bien normal. Les traqueurs étaient partout, la panique s’installait au fil des jours. Qu’allait-il se passer ? Qu’est-ce qui se tramait ? Tellement de questions et jamais de réponses.

Perché sur le bord du toit d’un immeuble au coin d’un petit quartier populaire, Andy observait l’horizon, pensif, agitant doucement ses jambes dans le vide. Il avait toujours cet air blasé, ennuyé, la clope au bec, faisant mine de ne s’intéresser à rien de ce qu’il lui était possible de faire en ces tristes jours. Il était maintenant un fugitif en quelque sorte. Il avait parfaitement conscience de ce que subissaient les traqueurs qui échouaient dans leur mission en période de guerre ; la mise à mort. C’est ce qui aurait pu lui arriver. C’est ce qui pourrait lui arriver si d’autres traqueurs lui tombaient dessus. Il valait mieux pour lui qu’il reste vigilent. Il n’avait pas fait le déplacement d’Almancar à Alzen pour rien, à l’évidence. Il n’aurait pas pris ce risque sans raison.

La ville semblait calme. Et pourtant elle était bien loin de l’être réellement. Qui sait, peut-être que sous ses pieds quelqu’un était en train de se faire tuer sans qu’il le sache.

Tout à coup, un coup de feu retentit. Une nuée d’oiseaux s’envolèrent dans la précipitation, poussant de grands cris. Secoué par le coup de feu qui brisa le calme ambiant, Andy eut un sursaut et perdit l’équilibre. Sa pupille se rétrécit dans son œil. Contrairement à ce que raconte la populace, les traqueurs ne retombent pas toujours sur leurs pattes, loin de là. Et là, se laisser surprendre par un petit coup de feu, c’était un grave manque de sérieux de sa part. Mais il n’eut pas vraiment le temps de le regretter. Une telle chute, ce serait fatal.

Sa main s’accrocha au rebord d’une fenêtre. De justesse. Il regarda le sol un moment, s’imaginant étalé par terre avec quelques morceaux cassés. Il chassa rapidement cette idée de son esprit, saisit le rebord de la fenêtre de son autre main et se souleva avec difficulté avant de faire voler la vitre en éclat pour s’introduire à l’intérieur. Il roula un peu sur le plancher, au milieu des morceaux de verre. C’était pas passé loin. Il resta à terre quelques instants, le temps de reprendre son souffle, et se leva en époussetant un peu ses vêtements.

C’était un petit studio. Son regard se posa sur un bureau juste en face de lui. Il observa vaguement ce qui était posé dessus, avant de constater par le plus grand des hasards qu’il n’était pas seul en ces lieux.

Et merde.

Andy resta immobile face à l'inconnu. C'était un homme au crâne chauve qui se déplaçait en fauteuil roulant, pas du tout le genre de personne qu'il s'attendait à trouver dans une habitation de ce type. Il l'observa un moment, à la fois confus et perplexe. Cet homme l'intriguait. Il ne savait pas quoi dire, les mots ne sortaient pas. Il s'aperçut qu'une douleur lui piquait la joue, sûrement une entaille faite par un morceau de verre. L'homme prit alors la parole. Andy, un cambrioleur ? C'est vrai que cette entrée fracassante pouvait aisément mener à une telle conclusion.

« Vous ne semblez pourtant pas si surpris de me voir ici. »

Il le toisa un moment d'un air suspicieux, les lèvres animées d'un sourire narquois. Il poussa un petit rire, détendu, et se déplaça un peu dans le studio, faisant mine de visiter l'endroit.

« Je n'ai pas l'intention de m'employer à ce genre de bassesse alors que j'ai déjà largement ce qu'il me faut. C'est un malentendu, je suis désolé pour la fenêtre. »

D'autant plus qu'il aurait été particulièrement malvenu de s'en prendre à une personne paralysée. Enfin, on ne peut pas dire qu'il avait vraiment l'air désolé, au fond il s'en foutait un peu de déranger cette humble personne. D'un air distrait, il observait la pièce dans ses moindres détails, comme s'il cherchait quelque chose de précis. Il ne donnait pas l'impression d'avoir envie de s'en aller. Non.

Il revint vers le bureau, avec un air de sournoiserie. Il lui semblait y avoir vu quelque chose qui attirait particulièrement son intérêt. Il posa ses mains dessus, se penchant pour mieux voir. Il se mettait à son aise, il ne craignait absolument pas ce type. Il se comportait comme s'il était chez lui alors qu'on ne l'y avait même pas invité. C'était ce qu'on lui avait appris quand il était gosse ; les prolétaires cèdent toujours la place aux nobles quoi qu'il arrive. Les vieilles manies lui collaient à la peau.

« Ça m'a l'air très intéressant ce que vous faites là... »

Il releva la tête, lançant un regard à la fois intrigué et intéressé, le genre de regard qui voulait tout dire.

« ... Qu'est-ce donc ? »