[Event] V. Les Liaisons Dangereuses [Terminé]

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Une petite salle aux allures de boudoir. Des portes blanches aux bordures dorées, des poignées baroques et recourbées. Les froufrous, des volants et des merveilles s'entassent, se prélassent et se vantent. Des bergères, des sofas, des coussins, accueillent ; un vrai petit comité, le décor parfait. Pour une scène, une tragédie ? une pièce, une comédie ?

Rien n'aurait pu suspecter une demoiselle de haute stature qui franchissait la porte à l'instant. Elle s'affaire et elle a l'esprit occupé, cela se lit dans ses yeux embrumés. Quelque chose nous dit qu'elle n'aimerait pas être là et qu'elle préférait s'adonner à une occupation digne d'une marquise de Sphéra. Elle cache des petits papiers dans ses souliers, des mots dans ses cheveux, des lettres dans son corsage. Mais elle se pavane dans une habitude qui la débecte.

Elle se met à ses aises et ferme la porte à clef.
Même si elle attend quelqu'un.

Impatiente, elle se presse à la fenêtre et se perd dans la contemplation de la ville royale qui grouille comme une fourmilière. Qui ne lui dit pas que, dans un coin de rue ou derrière son sofa préféré se cache l'un de ses disciples entrain de fouiner, prêt à lui ramener une information des plus croustillantes ? Elle tait même ses pensées, elle ne peut penser à haute voix ; on l'écoute, forcément. Pathétique, elle devient aussi paranoïaque que son vieux papa.

Le vitrail astral se brise contre les collines et s'y allonge dans un crépuscule rose, comme un songe prémonitoire. Si les étincelles saillent encore sur la ville, Judy O'Connor le voit déjà se consommer dans des cendres parfumées d'une grenadine métallique.

Seules Judy et Rosaleen ont le droit de poster dans ce topic.

Rosaleen se dépêchait. Une grande dame n’en avait pas le droit, mais elle allait peut-être prouver qu’elle n’était pas une grande dame, ou en tout cas, qu’elle ne le méritait pas. Ces dernières nuits avaient été révélatrices pour elle. Plus de présages obscurs dépourvus de sens. Plus de symboles qu’il fallait déchiffrer pendant des heures. Ses rêves avaient été clairs, nets et ne laissaient aucune place à l’interprétation. Elle avait vu le futur.

I could be numb, passing through.

Mais elle craignait ce futur. Pour la première fois, elle s’était demandée si le futur, tel le passé, était immuable. Elle espérait que non. Elle ferait tout pour qu’il ne le soit pas, pas cette fois. Son réveil brutal de ce matin lui avait enfin apporté un peu de sérénité. Une solution, ou du moins une esquisse, lui était apparue. Elle avait décidé de se battre.

You choose to wake up.

Mais elle ne se battrait pas seule. D’autres n’avaient pas eu besoin, comme elle, de voir la vérité en face. Ils l’avaient pressenti. Et cette nuit, Rosaleen les avait vu, ces résistants, issus du cœur même du palais. Des bourgeois, des aristocrates, des princesses. Oh, il y en avait peu. Mais ils étaient là, présents, agissant dans l’ombre. Ou le faisant prochainement. Ce futur qu’elle avait vu pouvait se réaliser dans un jour comme dans cent. Peut-être avaient-ils déjà commencé.

Perdue dans ses pensées, la jeune femme faillit manquer la petite porte qu’elle cherchait. La salle qu’elle avait aperçue dans ses songes ne lui avait pas semblé inconnue, mais le palais était si grand et certaines pièces si semblables, qu’elle avait déjà visité quelques salons et dérangé quelques personnes, avant de constater qu’elle s’était trompée. Elle s’arrêta devant la porte en bois avec assurance. Personne ne faisait attention à ceux qui semblaient avoir un but, ce sont les hésitants qui étaient toujours regardés avec intérêt. Rosaleen tourna la poignée, mais la porte était fermée de l’intérieur. Très bien. Cela signifiait que c’était sûrement la pièce qu’elle cherchait.

Ne se laissant pas découragée par un loquet, elle sortit de son corsage le passe-partout de Raziel, substitué plus tôt pour parer à cette éventualité. L’Empereur ne se rendrait pas compte de sa disparition, puisqu’il passait dorénavant ses jours et ses nuits dans la salle du trône. La clé tourna sans difficulté dans la serrure et la porte s’ouvrit sans grincement. La salle qu’elle cachait était petite et parfaite pour une réunion. Les coussins s’y entassaient, recouvrant des canapés luxueux et confortables, les voilages au plafond et sur les murs poussaient l’ambiance aux confidences et aux conspirations.

Au fond de la pièce, reconnaissable à sa chevelure, Judy O’Connor, la propre fille de l’Empereur, regardait par la fenêtre. Rosaleen parut choquée une seconde. Pourtant, les éclairs blancs dont elle avait rêvé, ce flou nacré impérieux, il semblait évident qu’il ne pouvait s’agir que de Judy. La favorite avait sous-estimé la dernière fille de Raziel. Pourtant, elle avait l’assurance et le cran nécessaire.

- J’ai vu ce que vous faites, ou allez faire.

Rosaleen prit sa respiration. Si elle faisait ça, sa vie en sera assurément changée.

- Je veux en être.

[♪ Future Proof - Massive Attack]

Cela faisait des jours et des nuits que quelque chose dans l'air du palais avait changé. Ma récente venue à Karnevale Avenue n'avait pas fait d'échos et pourtant il semblait que l'orage se préparait et qu'il allait être terrible. J'étais de plus en plus libre, mon esprit vagabondait dans cette atmosphère tendue, profitant de la tension ambiante pour échafauder plus de plans encore que d'ordinaire. Il y avait quelque chose de neuf au palais de Sphéra et surtout dans ma vie, celle de la plus jeune princesse. Mon père avait peut-être pris conscience de ses ennemis ou était-il justement devenu fou de trop ignorer qui ils étaient. Ce qui était certain c'est que ce jour et les suivants allaient être décisifs, l'avenir du pays changerait surement, en mal ou en bien mais ce qui était sur c'est que je jouerais désormais un rôle certain dans les futurs événements. J'avais vécue enfermée des années mon corps dans une chambre trop petite et mon esprit dans la peur et l'auto-destruction. Les temps avaient changés, j'avais grandie, j'avais vécu la passion, le savoir et la liberté et depuis que tous cela m'avait empli je rêvais de le vivre encore et encore, complètement libre sous un vrai ciel d'été comme celui qui régnait aujourd'hui et que je me délectais d'observer par la fenêtre du petit salon dans lequel je m'étais glissé.

J'avais échafaudé des plans des plus farfelus, des choses et d'autres et maintenant je rêvais de pouvoir les mettre en place, je sentais la venue de la liberté proche, la guerre allait faire rage une guerre sans ce nom mais qui en était bien une, une guerre entre la tyrannie et la liberté. J'allais faire imploser le royaume de mon père de l'intérieur pour en construire un autre, un de liberté où la vie de chacun serait prise en compte. J'avais que très peu d'amis ici, mais cela me suffirait, j'avais beaucoup appris, vraiment beaucoup, sur la vie, sur le pouvoir, sur le passé aussi et j'avais que trop côtoyé les interdits pour ne pas m'en servir. Pendant que je mettais en place, dans mon esprit, le plan que j'allais exécuter une voix que je ne m'attendais pas entendre vint à mes oreilles. Une voix cristalline que j'avais détesté par le passé mais dont les mots m'intriguèrent au point de pouvoir révoquer mon jugement. Rosaleen, la jeune favorite de mon cher père, vivant à ses dépends et à mon humble avis complètement à ses crocs vint me rejoindre dans ce petit salon dans lequel j'étais venue me perdre dans mes projets et mes rêves. Mais ce qui m'étonna plus encore que la venue de la jeune fille aux cheveux fut ses paroles. Qu'avait-elle bien pu voir au cœur de ses rêves prémonitoires, avait-elle vu mes pensées, mes rêves … Je savais ce que je voulais et rêvais de faire mais j'étais pour le moins incertaine de la mise en place réelle de ces plans échafaudé par mon esprit un peu trop inventif, tout du moins du point de vue de mon frère. Je ne savais que répondre sur le moment et il me fallut quelques instants pour remettre mes idées en place et triés l'infinité de questions qui me venaient à l'esprit.

- « Comment m'avez-vous trouver ? Et qu'avez-vous vu exactement ? »

Il était connu que je ne me complaisais pas dans les politesses habituelles, je voulais toujours en venir au fait et puis ma surprise était trop importante de toute manière. Je ne voulais pas accorder ma confiance trop rapidement, je ne l'accordais qu'à de rares privilégiés et cette Rosaleen que j'avais côtoyé de rares fois n'était pas l'une d'elle et ne le serait à mon humble avis jamais. Enfin, il fallait agir vite en ces temps, et je ne devais pas perdre trop de temps dans des conversations inutiles. Elle était surement de mèche avec mon père mais comme pion elle restait très utile. Mon père devait être en train de préparer mon élimination franche et directe, mais ce qui m'étonnait tout de même c'était pourquoi il ne l'avait pas fait avant. Enfin l'heure n'était pas au questionnement mais à agir. Cette jeune maitresse voulait en être, elle allait en être et en première ligne. Cap sur le roi, petit test pour la nouvelle recrue. J'échafaudais un plan grâce auquel je pourrais vérifier l'intégrité de Rosaleen tout en approchant le roi de près.

- « Avant tout, êtes-vous prête à tout ? Car votre proximité avec le roi pourrait m'être très utile... »

Je laissai s'éteindre ma voix au fil de mes pensées qui me rattrapait. Car le plus difficile dans l'affaire était de gagner du temps, approcher le roi et surtout que quelque chose d'autre occupe son esprit, si pour autant c'était possible en ce moment. Mais je voulais d'abord entendre les explications de cette jeune empotée, j'aviserais ensuite. Ce qui m'intriguait le plus était ce qu'elle avait exactement vu...
Je jetai un dernier coup d'œil à la fenêtre m'imaginant déjà au milieu de celle-ci, observant avec froideur le palais bruler dans maintes flammes emportant avec lui tous les instruments du pouvoir royal et ceux qui en avaient usé, ma propre famille.